Le dimanche 13 octobre , sa famille, les 20 bateaux de la régate de clôture , le comité ainsi qu’une bonne dizaine de bateaux sortis du port à l’ouverture des portes ont rendu un dernier hommage à notre aimé et regretté Président Gilles Lezan.
Ses cendres ont été dispersées aux aborde de la bouée Nord Est Chausey.
.
Un texte de Benoit Charon, lu par Luc Berhilier lors de la cérémonie à l’église Notre Dame de Lourdes à Donville .
Gilles est entré dans nos vies en catimini, sans faire de bruit, presque subrepticement, un arbre qui pousse au jardin et petit à petit s’impose dans votre paysage, ombre votre été, vous abrite des vents mauvais, feuillage épais qui repousse la pluie.
Quand ces arbres tombent victimes de la tempête, c’est un courant d’air froid & glacial qui vous envahit et vous laisse désemparé, comme un voilier privé de mature ou de gouvernail.
En un temps que les gens ne peuvent pas connaître, je savais déjà qui était ce petit malouèche acharné de régates. Le monde n’est pas si vaste, celui de la voile minuscule et après tout on était voisin de baie du Mont Saint Michel.
Les granvillais savaient qu’il n’en était pas à son premier fond de ciré usé sur de petits comme de gros bateaux, on le connaissait habile, tenace dans la brise comme dans les petits airs, ne laissant pas facilement place aux bouées comme sur les lignes de départ, un vrai régatier comme on les aime, pas avare de blagues et de bonne bière la ligne d’ arrivée franchie.
Un peu trop breton peut être mais la mer et le vent se foutent des frontières imaginaires ou réelles.
On ne l’a pas vu venir le petit breton & tout un coup Marie Mathilde, notre sage chef scout de la Haute Ville, se pâmait au bras du petit skipper malouin ; un chic.On aurait du se mefier au lieu de se préoccuper du changement de millénaire.
Il était là, dans nos murs, aimable & souriant comme toujours et puis finalement il n’était pas de Saint Malo mais de Saint Briac, on pouvait sans honte ranger notre vieille et amicale rivalité contre la ville de l’ autre coté de la baie.
On l’a vite adopté ; ou plutôt c’est lui qui a pris les rênes de la famille Yacht Club de Granville. Il nous a subordonnés, a remis de l’ordre dans notre vieille maison centenaire et du désordre dans le bureau car on a vite vu que le rangement ce n’était pas vraiment son truc. Il était partout, organisant tout. Un genre de doux bulldozer qui aplanirait les écueils et difficultés, encourageant, poussant les jeunes vers l’avant sans écarter les vieux, à la fois prudent et inventif, et surtout tombé furieusement amoureux de ce qui était devenu son club, sa seconde maison, un peu son dernier enfant.
Il faisait tout. On l’a même un peu trop laissé faire. On l’appelait Président avec une majuscule. Simultanément il a appris de nous comme nous avons appris de lui. On a organisé notre équipage.
Le club de cette petite ville est entré dans la cour des grands. On a même refait le bar de nos années soixante dix. Tout allait bien ; Champagne Sailing disent nos amis jersiais.
Et puis un jour la maladie l’a pris. Elle a planté ses crochets dans sa poitrine ;en bon marin il a mesuré très vite l’ampleur de la tempête. Il s’est dit on va prendre un ris et voir si c’est suffisant. On sentait bien que c’était dur. Pas de plainte. On verra demain disait il car la météorologie n’est surtout pas une science exacte.
Et il continuait de tailler la route. Il filait en douce à l’hôpital. Ne nous disait pas grand chose mais on devinait bien que la tempête était plutôt un ouragan. Le Fasnet 79 en pire. Le troisième ris était pris.
Le temps passait pour nous et sans doute filait pour lui, mais il était la, organisant un Tour des Ports de la Manche de plus, sautant dans la vedette pour donner un énième départ, partant régater vers l’Angleterre, riant avec nous des inquiétudes de Marie Mathilde.
Parfois il faisait la grimace.Rentrait un peu tôt là haut sur la muraille du nord. De plus en plus tô alors que l’humanité des discussions au bord du bar étaient une des ses joies de vivre. On a fini par bien voir que le tourmentin était en place et la grand voile affalée. La mer énorme submergeait son petit bateau. Il se battait encore et toujours.
On verra bien demain. Voir l’aube comme la petite chèvre, je sais que c’est une comparaison ridicule mais tellement parlante.Et un jour il n’y a plus eu de lendemain. Le loup était trop fort. La tourmente avait gagné à force d’acharnement. Plus de Gilles. Comme un silence subit. L’arbre est par terre et on veut s’imaginer victime d’un mauvais rêve. On avait fini par presque croire à ton invulnérabilité. On aime à se convaincre de l’éternité de ceux qu’on aime.
Adieu petit breton. On t’aimait et on t’aime beaucoup beaucoup.......
Benoit Charon.